TRIAGOZ (extrait)
Une légère brise souffle, soulevant à peine quelques rouleaux que fend la proue du voilier. La nuit ne s'est pas encore levée et la côte ressemble à une immense masse sombre, relevant un membre de-ci, de-là. Les voiles, rentrés pour le moment se gonflent à peine sous l'effet du vent tant le sel les a alourdies. L'embarcation glisse silencieusement en direction de la baie de Caumont. De là, elle apercevra l'étroit passage qui la mènera tout droit à l'écluse. Mais, elle a encore le temps... Le jour poindra pour alors. Pour l'instant, le plus important est de ne pas changer de cap. Alors, la vigilance est de mise. Bientôt, la barre de Caumont ralentira l'allure car l'essentiel de ce passage réside surtout dans le fait de ne pas se retourner. La liste des naufrages de ces vingt dernières années est longue; à vous guérir à jamais du désir de prendre la mer. Le ciel s'éclaire peu à peu recevant en son sein quelques rares mouettes en quête de seiches visqueuses pour leur petit-déjeuner. La scène se déroule dans une lenteur singulière et immuable sur laquelle le temps n'aura jamais de prise. Non, il est suspendu, à tel point que chaque naufrage et chaque marée se meuvent dans un éternel recommencement. |